Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/352

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Il a cent esclaves pour le service de sa maison, et il possède en abondance le nécessaire et l’agréable. Il est sous-marchand, et ce grade est le troisième au service de la Compagnie. C’est un homme né à Batavia, lequela épousé une créole d’Amboine. Je ne saurais trop me louer de ses bons procédés à notre égard. Ce fut sans doute pour lui un moment de crise que celui où nous entrâmes ici ; mais il se conduisit en homme d’esprit.

Après s’être mis en règle vis-à-vis de ses chefs, il fit de bonne grâce ce dont il ne pouvait se dispenser, et il y joignit les façons d’un homme flanc et généreux. Sa maison était la nôtre ; à toute heure on y trouvait à boire et à manger, et ce genre de politesse en vaut bien un autre, pour qui surtout se ressentait encore de la famine.

Il nous donna deux repas de cérémonie, dont la propreté, l’élégance et la bonne chère nous surprirent dans un endroit si peu considérable. La maison de cet honnête Hollandais est jolie, élégamment meublée et entièrement à la chinoise. Tout y est disposé pour y procurer du frais, elle est entourée de jardins et traversée par une rivière. Du bord de la mer, on arrive par une avenue de grands arbres. Sa femme et ses filles, habillées à la chinoise, font très bien les honneurs du logis. Elles passent le temps à apprêter des fleurs pour des distillations, à nouer des bouquets et préparer du bétel. L’air qu’on respire dans cette maison agréable est délicieusement parfumé, et nous y eussions tous fait bien volontiers un long séjour. Quel contraste de cette existence douce et tranquille avec la vie dénaturée que nous menions depuis dix mois !

Je dois dire un mot de l’impression qu’a faite sur Aotourou la vue de cet établissement européen. On conçoit que sa