Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/353

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surprise a été grande à l’aspect d’hommes vêtus comme nous, de maisons, de jardins, d’animaux domestiques en grand nombre et si variés.

Il ne pouvait se lasser de regarder tous ces objets nouveaux pour lui. Surtout il prisait beaucoup cette hospitalité exercée d’un air flanc et de connaissance. Comme il ne voyait pas faire d’échange, il ne pensait pas que nous payassions, il croyait qu’on nous donnait. Au reste, il se conduisit avec esprit vis-à-vis des Hollandais. Il commença par leur faire entendre qu’il était chef dans son pays et qu’il voyageait pour son plaisir avec ses amis. Dans les visites, à table, à la promenade, il s’étudiait à nous copier exactement. Comme je ne l’avais pas mené à la première visite que nous fîmes, il s’imagina que c’était parce que ses genoux sont cagneux, et il voulait absolument faire monter dessus des matelots pour les redresser. Il nous demandait souvent si Paris était aussi beau que ce comptoir.

Cependant nous avions embarqué, le 6 après midi, le riz, les bestiaux et tous les autres rafraîchissements.

Le mémoire du bon résident était fort cher ; mais on nous assura que les prix étaient réglés par la Compagnie et qu’on ne pouvait pas s’écarter de son tarif. Du reste, les vivres y étaient d’une excellente qualité ; le bœuf et le mouton ne sont pas à beaucoup près aussi bons dans aucun pays chaud de ma connaissance, et les volailles y sont de la plus grande délicatesse. Le beurre de Boëro a dans ce pays une réputation que les Bretons ne trouvèrent pas légitimement acquise. Le 7 au matin, je fis embarquer les malades, et on disposa tout pour appareiller le soir avec la brise de terre. Les vivres frais et l’air sain de Boëro avaient procuré à nos scorbutiques un amendement sensible.