Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en fraude, l’espèce d’argent qui circule ici perdant en Europe vingt-huit pour cent. La Compagnie se sert de l’empereur de Java pour faire frapper une monnaie particulière qui est la monnaie des Indes.

Nulle part, dans le monde, les états ne sont moins confondus qu’à Batavia ; les rangs y sont assignés à chacun ; des marques extérieures les constatent d’une façon immuable et la sérieuse étiquette est plus sévère ici qu’elle ne le fut jamais à aucun congrès. La haute régence, le conseil de justice, le clergé, les employés de la Compagnie, les officiers de marine et enfin le militaire, telle y est la gradation des états.

La haute régence est composée du général qui y préside, des conseillers des Indes, dont le titre est edel-heers, du président du conseil de justice et de l’amiral. Elle s’assemble au château deux fois par semaine. Les conseillers des Indes sont aujourd’hui au nombre de seize, mais ils ne sont pas tous à Batavia. Quelques-uns ont les gouvernements importants du Cap de Bonne Espérance, de Ceylan, de la côte de Coromandel, de la partie orientale de Java, des Macassar et d’Amboine, et ils y résident. Ces edel-heers ont la prérogative de faire dorer en plein leurs voitures, devant lesquelles ils ont deux coureurs, tandis que les particuliers n’en peuvent avoir qu’un. Il faut, de plus, que tous les carrosses s’arrêtent quand ceux des edel-heers passent ; et alors, hommes et femmes sont obligés de se lever. Le général, outre cette distinction, est le seul qui puisse aller à six chevaux ; il est toujours suivi d’une garde à cheval, ou au moins des officiers de cette garde et de quelques ordonnances ; lorsqu’il passe, hommes et femmes sont obligés de descendre de leurs