Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/396

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bâtie dans le goût des belles villes de la Hollande, avec cette différence que les tremblements de terre imposent la nécessité de ne pas élever beaucoup les maisons, qui n’ont ici qu’un étage. Je ne décrirai point non plus le camp des Chinois, lequel est hors de la ville, ni la police à laquelle ils sont soumis, ni leurs usages, ni tant d’autres choses déjà dites et redites. On est frappé du luxe établi à Batavia ; la magnificence et le goût qui décorent l’intérieur de presque toutes les maisons annoncent la richesse des habitants.

Ils nous ont cependant dit que cette ville n’était plus, à beaucoup près, ce qu’elle avait été. Depuis quelques années, la Compagnie y a défendu aux particuliers le commerce d’Inde en Inde, qui était pour eux la source d’une immense circulation de richesses. Je ne juge point ce nouveau règlement de la Compagnie ; j’ignore ce qu’elle gagne à cette prohibition. Je sais seulement que les particuliers attachés à son service ont encore le secret de tirer trente, quarante, cent, jusqu’à deux cent mille livres de revenu d’emplois qui ont de gages quinze cents, trois mille, six mille livres au plus. Or presque tous les habitants de Batavia sont employés de la Compagnie. Cependant il est sûr qu’aujourd’hui le prix des maisons, à la ville et à la campagne, est plus des deux tiers au-dessous de leur ancienne valeur. Toutefois Batavia sera toujours riche du plus au moins ; et par le secret dont nous venons de parler, et parce qu’il est difficile à ceux qui ont fait fortune ici de la faire repasser en Europe. Il n’y a de moyen d’y envoyer ses fonds que par la Compagnie qui s’en charge à huit pour cent d’escompte ; mais elle n’en prend que fort peu à la fois à chaque particulier. Ces fonds d’ailleurs ne se peuvent envoyer