Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/417

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Notre grand mât avait un enton au pied et devait manquer par là aussitôt que par la tête, où la mèche était cassée. On me donna un grand mât d’une seule pièce, deux mâts de hune, des ancres, des câbles et du filin dont nous étions absolument indigents. Je remis dans les magasins du roi mes vieux vivres, et j’en repris pour cinq mois. Je livrai pareillement à M. Poivre, intendant de l’île de France, le fer et les clous embarqués à bord de L’Étoile, ma cucurbite, ma ventouse, beaucoup de médicaments, et quantité d’effets devenus inutiles pour nous et dont cette colonie avait besoin. Je donnai aussi à la légion vingt-trois soldats qui me demandèrent à y être incorporés. Messieurs de Commerçon et Verron consentirent pareillement à différer leur retour en France ; le premier pour examiner l’histoire naturelle de ces îles et celle de Madagascar ; le second pour être à portée d’aller observer dans l’Inde le passage de Vénus ; on me demanda de plus M. de Romainville, ingénieur, et quelques jeunes volontaires et pilotins pour la navigation d’Inde en Inde.

Il n’était pas malheureux, après un aussi long voyage, d’être encore en état d’enrichir cette colonie d’hommes et d’effets nécessaires. La joie que j’en ressentis fut cruellement altérée par la perte que nous y fîmes du chevalier du Bouchage, enseigne de vaisseau, sujet d’un mérite distingué, qui joignait aux connaissances qui font le grand officier de mer toutes les qualités du cœur et de l’esprit qui rendent un homme précieux à ses amis. Les soins affectueux et l’habileté de M. de la Porte, notre chirurgien-major, n’ont pu le sauver. Il mourut dans mes bras le 17 novembre, d’une dysenterie commencée à Batavia. Peu de jours après, un jeune fils de M. le Moyne, commissaire