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prologue

visiblement remué par quelque souvenir douloureux

Durant cette minute, le comte l’examinait discrètement.

Il était grand et fort, il avait le visage basané, le nez mince et aquilin ; sa bouche disparaissait sous une longue moustache châtain. Le front large et haut, plus blanc que le reste de la figure, semblait une couronne de fraîcheur sur cette tête un peu rude et fanée. Les yeux étaient bleu foncé : il y passait, selon les émotions qui agitaient l’âme, des expressions de douceur infinie ou d’énergie féroce. Celui qui possédait ce regard, devait être incapable de modération : et se livrer avec excès à ses affections comme à ses rancunes.

Le comte se dit qu’il avait devant lui un de ces hommes, tout d’une pièce, pratiquant sans compromis le culte de l’honneur, qui meurent pour un principe et tuent pour une trahison.

Ce fut donc à un auditeur disposé à la sympathie, que d’Alombrès s’adressa désormais.

Après s’être excusé de cet instant d’attendrissement, le duc reprit : « Il y a cinq ans, mon père mourut, me léguant pour tout bien l’un des plus grands noms d’Espagne, de séculaires traditions d’honneur et le regret d’une fortune qui n’existait plus. Jusque là, j’avais mené la vie inutile d’un fils respectueux qui attend sans hâte l’héritage paternel. La mort de mon père fut une catas-