Page:De Montreuil - Fleur des ondes, 1912.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
prologue

-vous donc ? répéta-t-il en se penchant vers lui. Est-ce mon récit qui vous fait mal à ce point ? »

Samuel de Savigny s’était ressaisi : « Non, non, Monsieur, ce n’est qu’un peu d’émotion devant tant de scélératesse. »

— « Ah ! je comprends, vous êtes bon ; vous n’avez pas connu la souffrance encore, et ces infamies vous révoltent. Moi aussi, j’ai eu votre candeur confiante ; j’ai douté du mal, parce que je ne connaissais que le bien. Mais tout cela est loin, ajouta-t-il en passant la main sur son front. Le vieil homme compatissant et bon est mort en moi ; à sa place je sens vivre une bête défiante, toujours prête à mordre, parce qu’elle se croit sans cesse menacée… N’importe, il me fallait mes papiers et je décidai de les ravoir coûte que coûte ; mais j’ai dû y mettre le temps et apprendre, malgré moi, à être patient. On m’avait pris tout mon or et mes bijoux. Sous un nom d’emprunt, j’ai travaillé dans les colonies comme un simple manant, et ma santé n’est plus bien solide de toutes mes randonnées sous la pluie et le soleil. Mais le ciel n’est pas contre moi. Je suis près du terme. Ha ! ha ! fit-il avec une grimace à la fois cruelle et douloureuse. Vous ne devinerez pas ce que ma chère fiancée voulait faire de mes parchemins ?… C’était pour anoblir son frère. Jean Duval ! fi donc, cela était plèbe et rapprochait trop brutalement cette fille de ses origines. Elle voulait monter, et la sœur du duc