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la grotte

Indiens, le naufragé résolut de ne point négliger un moyen qui lui assurait la vie sauve. Pendant qu’eux donnaient les signes de l’épouvante, il s’approcha du condamné et coupa ses liens. Mais tel était l’affolement général, que cet homme s’enfuit sans un geste de reconnaissance et que ses ennemis ne songèrent pas à le poursuivre. D’un regard anxieux, le malheureux exilé explora les alentours. Apercevant tout auprès une roche surplombante, il s’en approcha, afin de s’y adosser et d’attendre les assaillants en face, si quelqu’un s’avisait de l’attaquer. Mais eux ne songeaient point à cela : ils s’élancèrent vers le bois, et l’abandonné put à loisir mesurer l’horreur de la situation. Imaginez sa souffrance, dans cette solitude inconnue ; ne devant rien espérer, mais pouvant tout redouter de ses voisins. Mon père courbait la tête sous l’écrasement du désespoir, lorsqu’un filet d’air lui effleura le visage, semblant sortir du rocher même. Il examina la place plus attentivement, et constata que c’était l’entrée d’une grotte, mal fermée par un quartier de roc. Rassemblant toutes ses forces pour le déplacer, il pénétra à l’intérieur, et s’aperçut qu’il avait trouvé un abri sûr contre les rigueurs du climat et les bêtes dangereuses. Mais d’autres ennemis aussi terribles lui restaient à craindre : la faim, dont il commençait à ressentir les atteintes, et les indigènes qui pouvaient fort bien, le premier moment de frayeur passé,