Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/100

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avec la coiffe et le voile de la religieuse. Le lendemain, on l’inscrivit sur le livre de l’hospice ; on lui mit au cou, selon l’usage, un cordon scellé avec du plomb, portant le numéro du registre et on l’appela Antonia parce qu’elle avait fait son entrée à l’Annonciade le jour de la Saint-Antoine. L’institution des Trovatelli fournit aux petits êtres dont elle se charge le lait d’une nourrice ou d’une chèvre ; mais elle ne peut suppléer à la tendresse d’une mère. Ces enfants, privés du sentiment de la protection maternelle, sont presque tous plaintifs et comprimés. L’âge de raison, en leur apportant la connaissance de leur origine, achève d’avilir leur caractère. Quelques-uns seulement, d’un esprit plus fort et plus noble, résistent à l’opprobre et aux mauvais traitements ; ceux-là deviennent farouches. Antonia était du petit nombre de ces enfants indociles et, pour cette raison, je la crus meilleure que les autres. C’était aussi l’opinion de la sœur Sant’-Anna qui aimait passionnément sa protégée. Malheureusement, la règle de l’hospice et les devoirs de la charité ne lui laissaient pas le temps de s’occuper d’Antonia. L’isolement et la nécessité de se défendre développaient l’énergie de cette petite fille, au préjudice de sa sensibilité. Le cœur d’Antonia s’ouvrit, pour un instant, aux caresses de la bonne religieuse et se refermait ensuite. Elle s’habitua ainsi à considérer la vie comme un état de guerre perpétuelle, où l’on ne doit pas d’affection aux autres puisqu’ils ne vous en accordent point.

Il faut maintenant, ajouta la dame napolitaine, que vous me permettiez de vous parler de moi. Après deux ans de mariage, n’ayant pas encore d’enfants, j’étais au désespoir. Je passais mon temps à faire des