Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/101

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layettes que j’envoyais aux nouveau-nés de parents pauvres ; j’avais épuisé les messes, les neuvaines et les présents à l’Eglise ; il ne me restait plus qu’une dernière ressource, la plus efficace de toutes : c’était d’aller à l’Annonciade, d’y choisir une trovatella et de l’adopter. Nos confesseurs nous assurent que ce moyen fléchit le ciel et met fin à la stérilité. Je partis donc un matin pour l’Annonciade. En voyant ces longs corridors sombres, ces murailles nues, ces vastes cours, ce mobilier chétif qui servait à tout le monde sans appartenir à personne, j’éprouvai une profonde tristesse. Mon cœur se serra en regardant ces enfants pour qui la famille était remplacée par une administration, des employés et un règlement. J’aurais voulu pouvoir les adopter tous. Lorsque j’eus annoncé dans quelle intention je venais, on me présenta les petites filles de sept ans les plus estimées des religieuses à cause de leur douceur et de leur docilité. Je cherchais une physionomie qui me plût ; la beauté d’Antonia me frappa au premier coup d’œil. Je demandai pourquoi on ne la mettait pas sur les rangs. On me répondit qu’elle avait une mauvaise tête, ce qui augmenta mon envie de la connaître.

— Mon enfant, dis-je à Antonia, voulez-vous quitter cette maison et venir demeurer avec moi ? Je vous aimerai et j’aurai soin de vous.

— Signora, répondit la petite, on vient ici tous les jours chercher des enfants dont on fait des servantes et moi je ne veux pas servir.

— Voyez quel orgueil ! s’écrièrent les religieuses.

— Vous ne serez pas servante, repris-je ; vous serez ma fille.