Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/120

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péripéties appartiennent au ballet qui les adoucit par la musique, les voile à demi par la pantomime et les rend agréables à l’œil sous le satin blanc, les toques de velours et les paillettes. Ces précautions une fois prises, le spectateur étant assuré contre l’excès d’émotion, les acteurs peuvent donner librement carrière à l’emphase et à l’exagération. L’artiste italien nage heureux dans le ballet comme le poisson dans l’eau, à cause de la nécessité d’élargir ses mouvements sur l’échelle énorme de la perspective. La cadence de la chorégraphie, au lieu d’être une entrave, ne le met que plus à l’aise.

Il faut voir deux personnages qui doivent se jeter dans les bras l’un de l’autre, se rapprocher en mesure, faire deux pas en arrière, trois en avant, reculer encore et s’avancer de nouveau et s’embrasser enfin, à point nommé, sur le coup d’archer des violons. Il faut voir, pendant ce temps-là, les cinquante figurants parfaitement alignés, témoigner l’attendrissement ou la joie par des gestes d’un ensemble irréprochable ; tous les yeux levés au ciel ; toutes les jambes écartées dans la même posture, toutes les mains à la fois sur tous les cœurs ; ils se remuent comme un seul homme. Le premier jour, vous en riez car la nature est trop loin de là pour que votre esprit se prête à la convention ; mais bientôt vous vous accoutumez à cette symétrie qui est un art, au fond ; et si un moment pathétique arrive, si l’acteur est bon et la musique touchante, vous finissez par y prendre du plaisir et par distinguer autre chose que du bruit, des grimaces et des gambades.

Essayons l’analyse de Floreska, ballet-mélodrame à grand tapage et d’une conception facile. Le ballet