Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/122

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puis il change d’idée et court après les ravisseurs.

Au second acte, nous sommes dans le château de Zamoski, homme de six pieds, œil flamboyant, longue barbe, pantalon collant d’un rouge féroce. Aussitôt que ce tyran, peu délicat, aperçoit sa belle prisonnière, il se donne de grands coups de poing à s’enfoncer la poitrine pour exprimer qu’il devient subitement amoureux d’elle ; il passe neuf fois la main dans ses cheveux pour faire entendre que sa raison s’égare ; puis il arpente la scène à une vitesse incroyable en décrivant, autour de la dame, des cercles de plus en plus étroits. Vainement Floreska se jette à ses genoux ; il lui répond par un grincement de dents. Elle lui oppose son enfant ; il saisit l’enfant, le lance à son confident qui le jette à un autre soldat et, en une seconde, le pauvre bambin va rebondir, de main en main jusqu’au fond du théâtre. Le tyran s’irrite de l’opposition. Bientôt il n’a plus d’humain que ses gants blancs et l’héroïne va être dévorée, lorsque la mère de Zamoski paraît et prend l’infortunée sous sa protection. Cet incident n’arrête que pour un instant la violence de ce forcené. Il témoigne son hésitation et sa contrariété par l’écart prodigieux de ses jambes, puis il fait vingt-sept fois le tour du théâtre en moins d’une minute et revient, décidé à passer outre. Alors sa mère, dans l’intention de lui dire : « tue-moi plutôt que de consommer ton crime », le prie de tirer son poignard, lui prend la main armée entre les siennes et, dirigeant la pointe du poignard sur son propre cœur, elle pousse et retire l’instrument dix fois de suite et ils se balancent ainsi, tous deux, comme des pagodes de porcelaine. L’amour triomphe encore dans l’âme du tyran et la mère, poussée