Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/123

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à bout, lève ses deux bras en l’air ; un coup de tam-tam part de l’orchestre : c’est la malédiction maternelle. Zamoski, épouvanté, s’allonge comme un serpent ; ses mains atteignent la coulisse et ses pieds sont au milieu de la scène. Floreska, provisoirement sauvée, tombe évanouie par terre. Sur ces entrefaites, un messager arrive ; c’est Edwinski déguisé ; il ne peut plus dissimuler en voyant son épouse dans mouvement ; il se jette sur elle ; on le reconnaît, on l’enchaîne et le voilà dans le fond d’un cachot.

Par un antique usage, le dénouement d’un ballet doit courir la poste. Tout va très vite au troisième acte. Edwinski reçoit, dans sa prison, une visite de sa femme et de son enfant, introduits par la vieille mère qui les protège. Cette bonne dame a une double clef de la cellule du prisonnier ; elle lui ouvre la porte et il peut embrasser tout ce qu’il aime. Cependant Zamoski entre précipitamment, il cherche sa victime. Sa mère l’enferme dans la cellule et on s’enfuit. Le décor change subitement. Edwinski, coiffé d’un panache gigantesque, livre un nouveau combat. On s’attaque le plus vite qu’on peut, le tyran est tué en un clin d’œil ; on se retrouve rapidement, on s’embrasse au galop, on se caresse à franc étrier, on se réjouit à bride abattue, on danse à toutes jambes, on se félicite avec impétuosité, on remercie le ciel à tire d’aile, l’orchestre précipite la mesure, frappe brusquement l’accord final et la toile tombe comme la foudre. Tel est le ballet italien.

On croira sans peine que, plus tard, j’ai dû voir d’autres ballets plus beaux, plus animés encore que celui-ci. Mais j’étais à mon début et jamais aucune autre caverne, jamais d’autres brigands, ni héroïnes