Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/133

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que le malheureux Murat vint aborder en 1815 et faire une triste contrepartie du retour de l’île d’Elbe. Une fois qu’il eût reconnu son erreur, Murat se retira dans les bois d’oliviers qu’on voit auprès de la ville. Un ravin, creusé par les pluies, descend de ce bois jusqu’à la mer. L’ex-roi de Naples, cerné par la gendarmerie qu’il avait instituée lui-même, suivit ce ravin et gagna le rivage où une barque était amarrée dans le sable. Il voulut pousser cette barque dans l’eau, mais elle était trop lourde et trop éloignée du bord. Il fut pris et conduit à un petit fort, construit sur un rocher que baigne la mer. Dans ce recoin, le héros de l’empire a été fusillé immédiatement. Peut-être n’y avait-il que son royaume où l’on pût trouver des soldats capables de tirer sur lui. La fin de Murat offre l’exemple le plus frappant du néant de ceux que la main de Napoléon avait élevés. Avec l’appui de son beau-frère, Murat était un type sublime de roi parvenu ; après la chute de l’empire, ce n’est plus qu’un brave, étourdi et malheureux. Trois fois seulement il essaya d’avoir une idée politique à lui. La première fut sa défection ; la seconde sa campagne contre l’Autriche qui coûta la vie à soixante-mille hommes ; la troisième fut son débarquement en Calabre, où il trouva une mort indigne de son grand cœur.

Les souvenirs de 1815 m’avaient rempli de tristesse, au point que je m’aperçus à peine de l’arrivée de miss Nancy sur le pont du bateau. Il me sembla, d’ailleurs, que la jeune fille répondait à mon salut d’un air froid et distrait ; c’est pourquoi je restai dans mes réflexions. Bientôt nous entrâmes dans le détroit de Messine et nous passâmes, sans courir le moindre risque, devant l’écueil de Scylla. Quant à