Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/139

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le cactus ; elle ramène la terre végétale sur la lave où elle seule parvient à prendre racine, pendant un siècle entier, avant que d’autres plantes y puissent venir et elle prodigue par milliers ses gros fruits succulents, à la portée de toutes les fortunes.

Avant d’arriver au village appelé les Jardins, la voiture s’arrêta et le postillon, nous montrant un sentier qui grimpait à travers les rochers, nous apprit que c’était la route de Taormine. Un enfant nous servit de guide et nous montâmes intrépidement, malgré le soleil quelque peu africain qui nous tombait sur les épaules. Les Grecs, qui avaient choisi cette roche escarpée pour y construire une ville de luxe, n’étaient pas gens à se contenter d’un chemin praticable pour les ânes et les chèvres. Il a vraisemblablement existé une grande route de Taormine, creusée dans la pierre et que les éboulements auront détruite. Miss Nancy courait comme une biche dans le sentier escarpé ; l’Anglais, à l’abri sous un vaste parasol, commença bientôt à pousser des gémissements douloureux. J’avais peine à m’empêcher de rire en voyant cet Alcide se donner des airs de petite maîtresse mais, en m’approchant de lui, je reconnus que des gouttes de sueur lui coulaient sur le front ; sa pâleur était effrayante et la contraction des muscles du visage prouvait que sa détresse n’était pas une feinte. Le désordre quotidien que la boisson apportait dans ses organes ne lui laissait plus de force pour les exercices du corps et le moral-même était singulièrement abattu ; la peur et le découragement le prenaient pour une simple demi-heure de marche, par une chaleur encore supportable. L’Angleterre périra par l’intempérance, comme Alexandre