Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/140

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le Grand. Quelque jour, les cent millions d’Indiens qu’elle domine se lasseront d’obéir et le capitaine d’artillerie qui gouvernera la première province insurgée sera averti trop tard par un envoyé ivre. Il aura besoin lui-même d’un délai de douze heures pour cuver le punch de la veille. Son courrier, gonflé de liqueurs fortes, crèvera au soleil sur la route de Calcutta et, quand la nouvelle parviendra enfin au palais du gouvernement général, elle le trouvera sous la table.

L’antique Taormine était placée sur l’un des grands pains de sucre qui servent d’avant-garde à l’Etna. Les guides vous montrent, avec soin, des débris d’aqueducs fameux qui avaient jadis quatorze milles de longueur, des restes de temples, de piscines et de naumachies dont on voit à peine quelques pierres ensevelies dans la terre ; mais le morceau le plus curieux, et le seul vraiment beau, est un théâtre grec dont le pareil n’existe nulle part. Les colonnes, la scène, les couloirs sont encore debout et les gradins sont prêts à recevoir des spectateurs. Sauf les réparations et les légers changements faits par les Romains, le monument est entièrement dorique. Sa position, au sommet le plus élevé de la montagne, l’a préservé de l’enterrement sous les décombres des constructions voisines ; il domine la ville et les autres montagnes, à l’exception de Sainte-Marie-de-la-Roche et du château fort. Comme dans tous les théâtres grecs, le fond de la scène est à jour ; la décoration, qui se composait du paysage-même est, par conséquent, à sa place. Les spectateurs de droite avaient, pour horizon, la vallée des Jardins et la pleine mer ; ceux de gauche, l’Etna et la chaîne de lave