Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/152

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On nous offrit d’abord pour chambres deux cabanes sans fenêtres dont tout l’air respirable avait été absorbé. Le thermomètre y eût marqué plus de trente degrés et je doute qu’une chandelle y eût trouvé assez d’oxygène pour rester allumée.

— Nous avons bien le salon, dit l’hôtesse, mais nous ne le louons pas à moins de trois carlins.

— Donnez-nous le salon. Nous payerons les trois carlins, bien que cela fasse vingt-sept sous de France.

Le salon était un garde-meuble, cuisine à deux lits, encombré de caisses, de vieux bâts d’âne, de harnais, de tonneaux et de chaudrons. Des hardes, des broches et des fouets pendaient aux murailles. On avait fait, d’un mauvais fourneau, un magasin d’avoine. Deux tréteaux de bois vermoulu, surmontés de matelas crevés, d’où sortait de la filasse de chanvre, portaient effrontément le nom de lits. Deux chats campaient au milieu de ce chaos ; il fallut un combat à outrance pour les expulser. La patronne d’auberge tira d’une commode deux draps chiffonnés et d’une propreté plus que suspecte, qu’elle nous montra fièrement en demandant si nous avions déjà vu de la biancheria aussi ragoûtante que celle-là. Cette admiration pour son galetas me découragea complètement et coupa court à toute réclamation.

Le souper, composé d’un poulet dur, d’une omelette et d’un bon fromage, appelé ricotta, nous parut délicieux. Tandis que mon compagnon se mettait au lit résolument sans rien examiner, je m’installai sur la table, pour passer la nuit à la clarté d’une mauvaise lampe. Le seigneur anglais s’endormit profondément.

J’avais un exemplaire d’un roman qui a fait quelque