Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/151

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était charmante, égayée par les groupes comiques des cactus et animée par la fièvre chaude du printemps de la Sicile. Le zéphyr mélangeait les parfums des citronniers et des genêts d’Espagne. Les lézards couraient entre les pieds des mulets qui faisaient sortir de chaque touffe d’herbe des alouettes et des essaims d’insectes. Les bœufs, couchés dans les bruyères, sonnaient leurs clochettes. On entendait, d’un côté le bruit régulier des vagues sur le rivage et, de l’autre, les sons languissants des cornemuses avec lesquels les pauvres paysans savent prouver qu’ils ont le goût de la musique.

Après avoir passé, très lentement, deux rivières dans des bateaux avariés et traversé le village de Lagnone, composé de six maisons, nous perdîmes de vue toute trace de chemin. Nous marchâmes pendant trois heures, tantôt dans l’eau de mer, tantôt à travers champs, dans les landes, les joncs ou les broussailles. Un pont cassé nous arrêta. Il fallut descendre au bout d’un torrent et le sonder avec des perches. Nous prenions patience en écoutant des rossignols qui faisaient assaut de chansons. Tout à coup, mon compagnon poussa un cri et se trouva étendu dans l’herbe. Son mulet l’avait déposé mollement par terre et se roulait sur le dos. Le seigneur anglais, indigné de ce procédé, ne voulait pas se relever que le guide ne l’eût vu dans la position fâcheuse où l’avait mis cette vilaine animal. Sauf ce petit accident, beaucoup de retards imprévus, assez de fatigue et un soleil accablant, le voyage alla le mieux du monde jusqu’à Priolo où nous entrâmes la nuit.

Il faut avoir dormi sur les routes de la Sicile pour bien savoir ce que c’est qu’une mauvaise auberge.