Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/172

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à la sacoche et je l’aurais. Ma cuisinière me fait le dîner à midi : quatre plats, les pâtes, les légumes, l’humide et les fruits ; eh bien ! quand je me sens de l’appétit le soir, je vais à la locanda et je mange. Comment appelez-vous un homme qui vit de la sorte ?

— Je l’appelle un homme heureux, répondit le tailleur, et de plus un homme riche.

— Ce n’est pas mal répondre ; je suis riche, en effet. Pensez-vous que je le sois assez pour demander une fille en mariage ?

— Vous pouvez demander la fille d’un corroyeur, la fille du patron d’une speronara, celle du directeur des postes ; enfin, toutes les filles que vous voudrez.

— Eh bien ! je vous demande la vôtre. Voyons un peu si vous me la refuserez.

— Que le bon Dieu m’en garde ! je vous l’accorde tout de suite. Il y a bien Zullino qui lui fait la cour avec ma permission ; mais je dirai à Zullino que vous m’avez favorisé d’une demande et il comprendra qu’il ne doit plus songer à ma fille.

Zullino ne comprit pas la chose aussi facilement que le père se l’était imaginé. Il se plaignit du manque de parole et voulut, au moins, recevoir son congé de la bouche d’Agata elle-même. On fit venir la jeune-fille et on lui expliqua ce qui arrivait.

— Mon père, dit-elle, il serait indigne d’un galant homme de retirer sa promesse pour quelques écus. Vous m’avez accordée à Zullino : je serai sa femme.

— Tu ne seras pas sa femme, s’écria le père. Je