Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur le sol. On ne les voit qu’au mois d’octobre, où toutes les populations se réunissent pour les fêtes de la vendange. C’est un beau moment que celui-là et qui mérite qu’on vienne exprès à Catane. Vous en jugerez par l’histoire de la toppatelle que nous allons reprendre. Une fois de retour au logis paternel, Agata devint sage et docile comme un agneau. Tout le monde se remit à l’aimer et à l’admirer comme si elle n’eût jamais donné de prise à la médisance. Zullino ne manqua pas de venir rôder sous les fenêtres de sa maîtresse. La première fois qu’elle l’aperçut, elle lui jeta un regard de tristesse et se mit à soupirer ; la seconde fois, elle ne soupira plus et la troisième, ses yeux demeurèrent si calmes que le pauvre amoureux y lut clairement la ruine de ses espérances.

De son côté, don Benedetto gagnait du terrain. Il se faisait raser chaque matin pour avoir le visage frais et portait une royale sans moustaches, ce qui lui allait à ravir. Son chapeau de soie brillait d’un lustre sans égal et la veste ronde en velours vert lui rajeunissait la taille de plusieurs mois. Mais ce qui fit surtout souffler le bon vent dans ses voiles, ce fut un cadeau de boucles d’oreilles en argent, valant deux piastres, qu’il offrit lui-même en se servant de phrases très polies. Il fallait voir cet homme, favorisé du ciel, se promener les mains dans les poches, disant à ceux qu’il rencontrait :

— Quand je me suis mis une chose dans la tête, on peut la regarder comme faite et terminée car j’aime les entreprises difficiles.

Ce langage assuré pénétrait les auditeurs d’un profond respect.