Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/178

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Sur ces entrefaites, arrivèrent le mois d’octobre et les vendanges. Il y a tant de raisins mûrs que tout le monde est mis à contribution pour les cueillir. Vieux et jeunes, paysans et citadins courent à la montagne, le panier sous le bras et le couteau dans la poche. Les toppatelles font semblant de travailler, mais leur occupation est de manger du raisin en attendant les danses. Aussitôt que la dernière grappe est cueillie et que les cuves sont pleines, on se met en fêtes pour un mois entier. Chaque propriétaire donne, à son tour, un dîner suivi d’un bal où l’on peut venir sans invitation. Riches et pauvre, étrangers et gens du pays sont admis indistinctement et ce n’est pas en cérémonie pour quelques heures qu’on les reçoit : c’est pour un jour et une nuit et avec la cordiale hospitalité des anciens temps. Une bonne partie des convives ne sait pas le nom de l’amphitryon. Vous passez par là, vous entendez des rires, du bruit ou des violons ; vous entrez et vous prenez place à table par droit de présence. On mange comme des héros de Homère et puis on saisit les castagnettes et on se trémousse ; ceux qui préfèrent se griser, chanter ou dormir ont parfaitement libres. La verte jeunesse ne connaît que deux choses, danser et faire l’amour et je vous assure qu’elle s’en acquitte bien. Pendant la première semaine, on se divertit modérément ; il y a de l’hésitation. A peine si les violons et le tambourin vont jusqu’à l’aurore. Les toppatelles font encore les renchéries. Elles se promènent ensemble, par bandes compactes, et les garçons feignent de jouer entre eux ; mais, au bout de huit jours, les bataillons sont entamés, les deux camps se confondent et c’est alors qu’on babille et qu’on rit à