Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/181

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— Et moi, si vous n’étiez pas mon hôte en ce moment, je vous souhaiterais de ramasser un scorpion toutes les fois que vous laisserez tomber un de ces écus dont vous êtes si fier. Allons, vous autres, emplissez mon verre, cela vaudra mieux que de nous quereller.

Zullino, qui avait déjà la tête échauffée, se la mit en combustion par quelques rasades des vins capiteux de l’Etna ; mais, comme les convives voulaient se divertir, ils ne firent pas grande attention à lui. Agata seul devint rêveuse pendant le repas. En sortant de table, on passa au jardin où les violons, qui avaient la patte bien graissée, firent un vacarme d’enfer. La masse des danseurs fut bientôt serrée et embrouillée comme un écheveau de fil. Dans cet instant, la belle Agata vint aborder son ancien amoureux.

— Vous voulez partir, lui dit-elle, où irez-vous ?

— A Malte, prendre du service comme matelot ou comme soldat.

— Si c’est à cause de moi que vous faites ce coup de tête, je vous supplie d’y renoncer

— Tenez votre parole et soyez ma femme ou bien je pars.

— Eh ! comment puis-je être votre femme si personne ne veut nous marier ?

— C’est à dire que vous voulez épouser ce vilain marchand et me forcer encore d’être témoin de vos noces ; mais demain, à cette heure, regardez la mer de ce côté : vous verrez, là-bas une voile qui me mènera bien loin de vous et pour toujours. On dit qu’il y a du bruit, aux Indes, j’irai me faire casser la tête au service du roi des Anglais et vous pourrez dire,