Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/180

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chez les voisins avec la famille d’Agata et promit un dîner cyclopéen pour la seconde semaine. Notre toppatelle bouda contre le plaisir pendant huit jours. Elle ne dansait que du bout des pieds et penchait l’oreille sur son épaule d’un air distrait, tandis que toutes les bouches se fendaient à force de rire.

— Tant mieux, disaient les jeunes gens. Elle pouvait avoir un beau garçon à qui elle avait donné parole ; elle a voulu épouser un clos, une maison et un comptoir : elle y mourra d’ennui !

Cependant, lorsque le futur époux paya son tribut aux vendangeurs, il fit les choses en grand seigneur et ferma les bouches des mauvais plaisants à grands coups de quartiers de bœuf. Le luxe ajouta son prestige aux douceurs de la bonne chère. La salle à manger fut ornée de fleurs. La cuisine et la cave vomirent une armée de plats et de bouteilles dont la tenue imposante éblouit tous les yeux. On était au milieu du repas lorsqu’un convive nouveau entra dans la maison, son bonnet à la main, et fit un salut au maître du logis. C’était don Zullino.

— Seigneur Benedetto, dit-il, vous avez remporté la victoire ; je ne vous en aime pas davantage, mais, avant de quitter la Sicile, je viens faire mes adieux à ceux qui one eu jadis de l’amitié pour moi. Nous nous séparerons le verre en main. Donnez-moi une place à votre table et qu’on me verse à boire !

— Soyez le bienvenu, répondit l’amphitryon, je conçois que vous ne devez pas m’aimer beaucoup. Lorsque vous serez aussi riche que moi, vous épouserez à votre tour une belle femme et vous pourrez donner à manger à vos amis. Je vous souhaite un heureux succès dans vos voyages.