Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/185

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de ses larmes. Au bout d’un mois, elle priait avec plus de passion que jamais et voulait se couper les cheveux pour prendre le voile.

Auprès de la maison du tailleur demeurait une bonne femme qui avait des filles mariées et une légion de petits-enfants. Un jour, en revenant de l’église, Agata vit cette grand-mère caressée et lutinée par un bambin de jolie figure, auquel elle souriait avec tendresse. A côté de la vieille était une jeune femme qui berçait un enfant à la mamelle, tout en faisant réciter le Pater à une fille de six ans dont les yeux pétillaient d’intelligence et de vivacité. Par une fenêtre ouverte, on apercevait la servante qui préparait le couvert pour cette nombreuse famille. Agata n’eût besoin que de jeter un regard sur ces gens heureux pour sentir un vide affreux dans son âme.

— Voilà une belle toppatelle, dit la grand-mère, qui, à mon âge, saura ce qu’il en coûte de donner sa vie au ciel par dépit.

— Elle n’est pas encore donnée, murmura la fille du tailleur.

Dans la disposition d’esprit où elle était alors, Agata eût peut-être épousé don Benedetto lui-même pour avoir, le plus tôt possible, de jolis enfants à bercer. A force de confiance dans son mérite, le marchand de soieries accoutumait les gens à tolérer une sottise dont il ne pouvait rien rabattre. Sa fiancée le voyait souvent et n’avait personne à lui comparer, excepté par souvenir. L’envie de se marier colora de rose tout ce qui avait d’abord choqué la toppatelle. Finalement, on prit, un matin, le chemin du Dôme et, en quelques minutes, le destin d’Agata se trouva lié pour la vie à celui d’un sposo felissimo. Il fallait