Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/186

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entendre don Benedetto dire, avec orgueil à ses amis :

— Vous savez bien, cette fille si intraitable qui me détestait, qui était folle amoureuse d’un autre, qui s’est enfuie deux fois avec son amant et qui a pensé se faire religieuse plutôt que de m’épouser ? Eh bien ! la voilà pourtant ma femme !

Tout alla le mieux du monde dans la maison de cet heureux mortel pendant douze heures entières. Agata parut enchantée de l’appartement, du mobilier et du jardin. Pour sa bienvenue, elle voulut que le patron donnât une gratification à ses commis. Elle fit bonne mine aux servantes et caressa le chien du logis ; mais, le lendemain des noces, la signora avait le visage sombre et ne voulait plus ouvrir la bouche ou, si elle répondait aux questions de son mari, c’était comme au sortir d’un rêve et avec si peu d’à-propos qu’autant eût valu ne rien répondre du tout. A la suite d’une petite explication, Agata prit son grand courage pour avouer à don Benedetto qu’elle était au désespoir de l’avoir épousé.

— C’est que vous ne m’aimez pas encore, dit le marchand de soieries. Un peu de patience, cela viendra !

Au bout de huit jours, Agata l’aimait encore moins et ne pouvait plus le regarder en face sans être dévorée de regrets.

De son côté, Zullino était fort malheureux et ne savait que faire pour se distraire de son chagrin. Un capitaine napolitain, le voyant plongé dans la mélancolie, lui conseilla d’embrasser la carrière des armes. Il lui promit les épaulettes d’argent pour l’année suivante et lui montra, dans l’avenir, son ingrate maîtresse