Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/204

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France : c’est celle causée par l’amour. Dans l’intérieur des terres, il n’est pas rare de voir le mari jaloux tuer sa femme et cela ne fait aucun bruit. Les jeunes gens se défient si bien d’eux-mêmes sur ce point que, pour se divertir en bonne intelligence, ils vont de leur côté et laissent les femmes ensemble. Il suffirait de deux beaux yeux pour changer la partie de plaisir en querelle et brouiller mortellement les amis. Aussi voit-on, dans les fêtes, des bandes de garçons qui jouent dans un coin ou boivent sous une treille, tandis que les jeunes filles dansent entre elles, ce qui paraitrait fort étrange à notre jeunesse galante et peu jalouse pour qui toute partie de plaisir est insipide quand les femmes n’en sont pas.

Après avoir parcouru un pays éteint, nous eûmes un grand plaisir à nous retrouver dans une capitale riche et animée. Palerme est la tête de la Sicile. C’est là que se retirent l’âme et la force de l’île entière. La ville est une des plus séduisantes du monde. Deux grandes rues, qui se croisent à angle droit, la partagent en quatre triangles égaux, ce qui permet à l’étranger d’y reconnaître aisément son chemin, sans causer pourtant une régularité fastidieuse. L’une de ces rues porte le nom de Tolède et il faut que Tolède soit une ville bien splendide pour que les Espagnols aient donné partout son nom aux belles rues. Le Tolède de Palerme n’est pas aussi bruyant que celui de Naples qui est le lieu le plus tumultueux de la terre, mais qui n’en est que plus agréable. On y circule à l’abri sous de larges auvents garnis de festons que l’air agite gaiement. On s’y croirait dans l’ancienne Bagdad du calife Haaroun, avec cette différence que les femmes n’y sont pas voilées. Les Palermitaines