Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/206

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juste, il faut considérer comme une circonstance atténuante de la jalousie des hommes, le penchant des femmes pour une galanterie suivie de passion. Ce sont, de part et d’autre, des naturels énergiques qui ne sentent rien à demi.

On ne trouve, à la rigueur, dans Palerme, que deux édifices vraiment sarrasins ; mais il est à remarquer que les artistes normands ou espagnols, en apportant un goût nouveau, ont cependant adopté aussi celui de leurs prédécesseurs. La cathédrale ressemble aux monuments les plus élégants et les plus gracieux que la main des Maures ait jamais produits ; la porte de Charles-Quint, élevée en mémoire de la défaite des Arabes, se prendrait pour l’ouvrage des Arabes eux-mêmes. Beaucoup de maisons, construites dans le XVIe siècle ont des fenêtres ornées du trèfle et du fer de lance. Les visages bruns qui paraissent à ces fenêtres ne sont pas moins sarrasins que le cadre qui les entoure.

Don Fernando, notre patron d’auberge, nous avait pris en amitié. C’était un géant borgne dont la figure était capable de faire mourir une femme en couches. En le voyant horrible la serviette à la main, je le devinai sublime le mousquet sur l’épaule, défendant le passage d’une montagne, et je l’aimais d’autant plus sous cette perspective que dans son corps de mastodonte habitait l’âme d’un mouton. Un jour que le soleil était resplendissant, don Fernando entra, de bon matin, dans notre appartement et réveilla tout doucement le comte de M… pour lui conseiller d’aller voir la fête de la Bagheria qui est la plus belle des environs de Palerme. Nous envoyâmes aussitôt un exprès à M. Linarès afin de changer le programme