Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/207

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de la journée et il vint, au bout d’une heure, nous chercher avec le carrosse de louage. Tout Palerme était déjà sur la route. La Bagheria est un joli village situé près du cap Zeferano, d’où on aperçoit la mer des deux côtés à la fois. Les plus riches maisons de campagne entourent ce Saint-Cloud de la Sicile ; quoiqu’elles fussent habitées dans ce moment, les portes étaient ouvertes aux curieux et la foule entrait partout. On voyait, sur les balcons, des groupes de femmes coiffées en cheveux et d’une beauté redoutable pour les yeux des gens du Nord. Nous visitâmes la célèbre villa Palagonia qui paraît consacrée au culte de la laideur. Une centaine de sculptures grimaçantes et monstrueuses gardent la cour et toutes les issues du palais, qui est lui-même une construction bizarre où les règles de l’architecture sont bravées hardiment. Malgré le luxe prodigieux de ses marbres, les dorures de ses décors et se plafonds en glaces, la villa Palagonia prouverait, si on en pouvait douter, que la recherche du beau est la seule recette pour composer un ouvrage aimable. La villa Valguarena, beaucoup moins riche que l’autre, nous plut davantage, surtout à cause des jardins et des points de vue qui égalent les sites les plus vantés de Sorrente et de Capri.

Lorsque nous eûmes employé la moitié de la journée à parcourir les maisons de campagne, nous entrâmes dans une locanda. Tout le monde voulait dîner à la fois. Le cuisinier, au milieu de ses aides, se multipliait comme le prince de Condé au combat de la porte Saint-Antoine. En un clin d’œil toutes les tables furent dressées et couvertes de plats fumants. On nous servit en plein air, sur une terrasse