Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/210

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Donna Barbara sortit, non sans décocher quelques œillades infructueuses à un beau garçon qui ne voulut pas y prendre garde.

L’hôtelier, nous reconnaissant pour des Anglais, avait doublé, à notre intention, les prix de la carte à payer. M. Linarès exigea un rabais considérable et lui reprocha sa mauvaise foi. Le patron nous fit de grandes excuses et nous baisa la main en signe de réconciliation ; puis il appela sa femme qui arriva, toujours en courant, nous baiser aussi la main, ce dont nous nous gardâmes bien de rire.

La rue du village était encombrée. Des chevaux libres, lancés au galop, excités par les cris et les pétards, traversaient une foule compacte qui s’écartait devant eux et se refermait après leur passage ; ils atteignirent ainsi le but sans accident. Les balcons, les lucarnes et les corniches des maisons étaient garnis de curieux. Les femmes dansaient entre elles devant l’église, sous les tonnelles et jusque sur les toits. La circulation étant difficile, nous nous étions arrêtés pour fumer un cigare : le brancard d’une charrette nous servait de siège. Le comte de M… engagea la conversation avec une charmante personne assise près de nous. C’était une jeune fille de Messine qui venait à Palerme pour se divertir. Sa tante, vieille dame d’une figure fort honnête, écouta d’abord ce que nous disions à la nièce, nous regarda fixement et se retira ensuite à l’écart ; d’autres femmes, de la même compagnie, s’éloignèrent aussi pour nous laisser causer en liberté avec celle que nous avions distinguée et choisie.

— D’où vient cela ? Demandai-je à notre guide.

— Rien de plus simple, me répondit-il : ces bonnes