Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/211

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gens voient que vous êtes des étrangers ; ils comprennent que vous n’avez pas de mauvaise intention et trouvent naturel que vous parliez à une jolie fille. C’est un honneur que vous leur faites et ils en sont flattés. Il serait mal d’en abuser.

— Que Dieu m’en garde ! Cette bienveillance est d’un grand prix pour moi. Il n’y a rien qui mette plus à l’aise que de se sentir à l’abri sous le proverbe : Honni soit qui mal y pense !

Cependant, quelqu’un y pensait mal à deux pas de nous. A peine avions-nous quitté la réunion de la charrette qu’un Mercure mystérieux vint nous offrir ses service auprès de la belle Messinienne qui, disait-il, ne serait peut-être pas fâchée de recevoir, de notre part, un piccolo complimento. Le Mercure, honni pour avoir mis en doute la pureté de nos intentions, ne se déconcerta pas et nous pria de lui donner, une autre fois, la préférence sur ses confrères. Les messagers de cette espèce sont d’une audace et d’une habileté remarquables à Palerme. L’étranger, déjà ébloui par les beaux yeux qui brillent du haut des balcons et dans les rues, tombe dans les embûches des Circé du trente-huitième degré. Sous ce rapport, Palerme est une capitale des plus civilisées. Je ne conseillerai jamais à une belle dame d’y envoyer ses amoureux : ce serait infailliblement autant de perdu.

Le lendemain de la fête, nous étions invités à dîner chez le prince P… et, en sortant de table, nous nous promenions dans son beau jardin, dont il nous fit l’historique tout en cueillant des nèfles du Japon. Il y a dix ans, on voyait à peine une douzaine d’arbres. Les plantations n’étaient pas encore commencées lorsqu’une procession, sortie de la