et dont on ne les déshérite pas sans qu’ils l’aient mérité.
J’attaquai mon homme sur un autre chapitre, ne pouvant me résoudre à croire que sa conversation ne fût d’aucun fruit.
— Les Siciliens, lui disais-je, ont un caractère fier qui ressemble à celui des Espagnols du beau temps de la marquise de Pescaire.
— De la fierté ? me répondit-on ; où avez-vous pris cela ? Ils reçoivent un affront sans dire un mot.
— Fort bien : leur point d’honneur n’est pas le nôtre. Cela n’empêche pas la fierté du caractère.
— Sans point d’honneur, où est la fierté ?
Il devenait impossible de nous entendre. J’entamai un troisième chapitre.
— Du moins, repris-je, vous ne nierez pas qu’ils sentent vivement une injure et qu’ils s’en vengent d’une manière ou d’une autre. Que pensez-vous de l’affaire de la tagliada ?
— Que c’est une insigne lâcheté que de faire blesser un homme pour de l’argent.
— Vous avez raison ; mais ces gens-là sont passionnés et, avec des passions bien dirigées, on peut accomplir de grandes choses. Il ne faudrait qu’un moment d’accord et d’énergie aux Siciliens…
— De l’énergie ! Ils n’en ont aucune. De la passion, pas davantage. Ce sont des paresseux.
— Paresseux à certaines heures. Quand il s’agit de pêcher le thon, ils déploient une activité terrible !
— Parce qu’ils en ont besoin pour vivre !
— Et de l’intelligence ; vous leur en accorderez, j’espère ?
— L’esprit n’est pas leur fort. Dites-leur une plaisanterie,