Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/219

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aussi n’en manque-t-il pas un, de ceux qui se trouvent en Sicile, au carnage de la pêche des thons.

C’est un grand plaisir que de rencontrer en voyage des gens éclairés qui discernent la vérité, s’amusent du pittoresque et sentent la poésie ; de ces gens dont la conversation vous épargne du temps et des recherches.

La veille de mon départ de Palerme, je me trouvais auprès d’une personne obligée, par état, de s’entendre à juger les hommes, à étudier les mœurs et à deviner les caractères. Je pensais que j’allais recueillir, en causant, de bons renseignements sur le pays. Nous parlions du miracle de la statue de Saint-François de Paule et je disais que le sentiment religieux est profondément établi dans le cœur des Siciliens.

— C’est une erreur, me répondit-on. Ils sont superstitieux et non religieux. Il y a plus de religion en France.

— Tâchons de nous expliquer, repris-je. Qu’est-ce que le sentiment religieux, selon vous ?

— C’est la morale.

Les bras me tombèrent d’étonnement. Je pensais, cependant, qu’une personne d’esprit peut avoir un moment d’aberration et je repris courage.

— Excusez-moi, répliquai-je ; il me semble que vous vous trompez. La morale s’apprend et le sentiment religieux est inné. Un philosophe est quelquefois un homme fort moral et manque de religion.

— Moi, je l’appelle plus religieux que le dévot sans morale.

— Vous le pouvez ; cela ne fait de mal à personne ; mais les mots ont un sens qui leur appartient en propre