Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/237

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paraissent avoir juré de ne laisser dormir aucun étranger depuis que Marius y passa un si triste quart d’heure. Après avoir employé la nuit à lire et à fumer, je comptais sur mes compagnons de voyage pour accabler de reproches le voiturin qui nous devait de bons lits et des chambres propres, aux termes du marché. Quelle est mon indignation en apprenant que tout le monde est satisfait ! Le Carthaginois possède un sang africain dont les puces ne veulent point goûter. Les deux abbés ont la peau à l’épreuve de toute piqûre. Le médecin ouvre des yeux étonnés quand je parle d’insectes. Quant à la jolie lectrice, elle paraît fraîche comme une rose, ne se plaint de rien et, comme elle ne parle que l’allemand dont personne ne comprend un mot, il est impossible de savoir ce qu’elle pense. Mon concert de reproches, réduit à un solo, ne produirait aucun effet. Je pars sans rien dire, espérant que le gîte de Terracine sera meilleur.

En sortant de Sant’-Agata, mes quatre compagnons mâles passent leurs têtes par les portières, d’un air agité, consultent précipitamment leurs livres et déploient les cartes géographiques. Tout à coup, l’un d’eux s’écrie :

— C’est ici ! arrêtez ; nous voulons descendre.

— Qu’y a-t-il donc, demandai-je.

Pour toute réponse, on me met sous les yeux la page du Guide en Italie où je lis cette phrase pompeuse : « on traverse le fleuve sur un nouveau et magnifique pont de fer suspendu. Ce pont et celui de Padoue sont les deux uniques constructions de ce genre qui existent en Italie ». Je cherche des yeux un fleuve et j’aperçois un fossé où coule un ruisseau,