Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/236

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trois squelettes de chevaux prennent une espèce d’amble allongé. La machine roule sur un beau chemin bordé de vignes en arceaux. Nous traversons le village d’Averse, où est la maison des fous et dont le nom, proverbial à Naples, répond à notre Charenton. Vers onze heures, la chaleur commençant à devenir excessive, nous arrivons à Capoue, premier lieu de repos désigné pour le rinfresco sur notre itinéraire. La nouvelle Capoue date du Ixe siècle. Ce n’est pas elle qui séduisit Annibal, avec ses rues malpropres. L’antique Capoue se voit à un mille de distance. C’est, aujourd’hui, le village de Sainte-Marie-Majeure. Mes compagnons de voyage étant du pays et assurés d’avoir cent occasions de repasser par là, ne voulaient négliger aucun objet réputé curieux. Je les laisse aller à la ville ancienne par trente degrés Réaumur et, à leur retour, ils me racontent qu’ils ont vu une pierre du temple de Junon, trois bornes de celui de Bellone et un tronçon de colonne pouvant provenir de celui d’Hercule. Pendant ce temps-là, je mangeais un saladier de fraises excellentes et je résolvais le fameux problème des délices de Capoue. C’est, évidemment, pour régaler les soldats de fraises à quatre baïocs le rotolo qu’Annibal abandonna les fruits de quatre victoires. Je n’admets aucune autre supposition et je regarde Tite-Live comme mal informé, lorsqu’il ose accuser de négligence et de mollesse le plus grand capitaine et l’un des génies les plus vastes de l’antiquité.

A cinq heures, le zéphyr commençant à rafraîchir l’air, nous remontons en voiture ; nous traversons le Vulturne, et nous allons chercher un gîte au village de Sant’-Agata, l’antique Minturnes, où les insectes