Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/253

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En admirant la forme de la coupole dont Michel-Ange a tracé le dessin sur les plans corrigés de Bramante et de Sangallo, je me rappelais une des plus jolies lettres de Diderot à mademoiselle Voland, où il est question de ce chef-d’œuvre d’architecture. Dans sa lettre, le grand encyclopédiste traite des instincts innés et de leur développement par l’effet de l’expérience et il dépense autant de verve et de profondeur pour amuser, un instant, sa maîtresse que s’il s’agissait de démontrer un point de philosophie à tous les savants de la maison holbachique. Afin d’expliquer comment il entend l’exercice du génie et comment les instincts se manifestent, Diderot affirme que Michel-Ange, préoccupé par l’idée de donner à sa coupole la courbe la plus élégante possible, trouve, en même temps et comme malgré lui, la courba de plus grande solidité. Là-dessus, l’improvisateur, emporté par la fougue de son imagination, part au galop et construit tout un système. Rien n’est plus ingénieux que ses aperçus, que ce tableau qui nous montre Michel-Ange dominé par un instinct, obéissant, du même coup, à un instinct différent ; on voit ces deux génies si opposés, celui de la fantaisie et celui des mathématiques, se rencontrant dans la même cervelle et s’accordant, ensemble, sur le papier pour produire un chef-d’œuvre d’architecture qui soit, en même temps, le monument le plus durable. On ne peut rien trouver de plus séduisant et, assurément, mademoiselle Voland, subjuguée, comme le lecteur, par l’éloquence de Diderot, n’pas eu un moment de doute ni d’hésitation. Elle n’a pas même songé à dire, comme le second médecin de Pourceaugnac : Et quand ce ne serait pas la ligne de plus