Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/254

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grande solidité, il faudrait qu’elle le devînt pour la beauté du raisonnement. Cependant, après avoir tourné autour de la coupole, circulé dans les escaliers et être monté jusqu’à la boule de cuivre, j’aperçois des ouvriers, des instruments de maçonnerie et quelques pierres de taille gémissant sous la scie.

— Que vont donc bâtir ces ouvriers ? Demandé-je au gardien.

— Ils vont faire des réparations, me répondit-il ; et, dans quelques années, ce sera bien pis encore, car on dit que la coupole n’est pas solide.

Ainsi donc, la courbe élégante n’est point celle de la solidité. Je me gratte l’oreille, un peu déconcerté par ce gros fait matériel qui renverse tout l’édifice de Diderot et je songe qu’en effet les conditions d’élégance et celles de durée n’ont rien à démêler ensemble ; que si un ouvrage de goût est durable, c’est par d’autres lois que celles de la beauté. Alors arrivent les exemples ; je vois les pyramides d’Egypte rester debout après quatre mille ans, précisément parce qu’elles ne visent point à la grâce et je vois aussi Diderot, amusant de bonne foi sa maîtresse par un caprice qui lui passe, un beau, matin dans l’esprit. Ajoutons qu’il n’est rien de plus dangereux qu’une langue dorée soutenant et répandant une erreur dans la chaleur de l’improvisation, avec l’accent d’une conviction profonde, créant des systèmes tous les matins et obéissant à l’instinct inné du paradoxe, développé par l’expérience et les applaudissements.

Il me semble, sauf erreur (pour ne point me hasarder comme Diderot), que le nom de Michel-Ange est le plus grand de tous ceux qui sont gravés sur les monuments de Rome ; il me semble que, de tous les