Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/268

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lui jeta une feuille de salade au visage en lui disant d’aller au diable.

— Don Vespasien, s’écria le mendiant, soit béni ; je te porterai bonheur. Tu réussiras dans tes projets.

Puis il tourna ses prunelles jaunes vers don Ambroise et lui rit au nez en faisant une gamme sur sa flûte. Le lendemain, le père amena au logis le fils d’un tourneur, excellent ouvrier, et le présenta comme un homme dont il avait agréé la demande en mariage. Giovannina reçut le prétendant avec froideur, mais elle n’osa point parler de son amitié pour Vespasien. Don Ambroise, toujours à son poste, avait compris ce qui le menaçait. A la nuit, le tourneur, en sortant du cabaret, fut accosté par un passant enveloppé jusqu’aux yeux dans son manteau.

— Je te défends de revenir à cette locanda, lui dit l’inconnu.

Le jeune homme lui répondit qu’il y reviendrait tous les jours s’il lui plaisait. Alors, Ambroise qui tenait un couteau caché sous on manteau, en porta un coup dans la poitrine de ce pauvre garçon, puis il se jeta sur lui afin de l’achever. Vespasien et le pfifferaro accoururent ensemble aux cris du blessé.

— Ne t’avise pas de le secourir, dit le mendiant. Songe à la loterie !

— Tu as raison, répondit don Vespasien. Le numéro 13 sortira.

Et ils laissèrent le meurtrier achever son homme. Le pfifferaro possédait un livre de la Smorfia. Il composa un ambe sur les mots Meurtre et Jalousie. Don Vespasien emprunta quelques paoli à ses amis et, soit hasard, soit divination, l’ambe sortit au tirage suivant. Les huit cents paoli que gagna Vespasien étaient