Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/269

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presque une fortune pour lui. Ambroise fut arrêté par la police et, le tourneur étant mort, don Vespasiano épousa le belle Giovannina. L’aventure fit du bruit. Le crédit du pfiffarero s’établit aussitôt dans le peuple et, depuis ce moment, tous ceux qu’il rencontre lui donnent des baïocs et lui demandent des numéros. Il demeure, à présent, à la porte de Bélisaire, dans une cabane percée de plusieurs trous et où vous auriez scrupule de loger une bête de somme. Cependant, il recueille une moisson abondante chaque fois qu’il sort. On ne le voit jamais dans le beau quartier ; il exploite, de préférence, les rues désertes comme celle que j’habite. Malheur à celui qui refuse le faible tribut d’un baïoc ! L’accidente plane sur sa tête et, avant la fin du jour, il se repent de son imprudence.

— Eh bien ! accidente per me, répondis-je en fermant les yeux.

— Je vous citerai un exemple frappant de la jettature de cet homme.

Le jeune peintre me raconta sans doute une fort belle anecdote ; mais je ne saurais la rapporter ici parce que je m’étais endormi dès le premier mot. Le narrateur m’imita et, quand nous nous éveillâmes, il faisait nuit noire ; l’Angelus était sonné depuis une heure. Les traiteurs ne voulaient plus nous servir ; le dîner en souffrit beaucoup. La villa Borghèse était fermée et on avait joué la moitié du spectacle quand nous entrâmes au théâtre Valle. Tel fut le résultat de la malédiction du pfifferaro.

Une mesure dont je n’ai pas saisi l’importance avait fait changer la Norma de Bellini en Forêt d’Irminsul, sans que, du reste, l’autorité eût rien supprimé,