Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/289

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chemin. La joie populaire est l’expression d’un bonheur réel et non pas d’une philosophie qui excite la pitié. On sent, à chaque pas, la libéralité d’un gouvernement paternel et intelligent. La Toscane est un échantillon remarquable de ce que pourrait être l’Italie entière.

Rien de plus gai que l’heure du déjeuner dans les cafés de Florence. Les marchandes de fleurs, chargées de leurs corbeilles, vous présentent leurs bouquets et passent à la table voisine, sans attendre que vous portiez la main à votre poche ; puis elles disparaissent quand leur ronde est achevée, semant ainsi partout des créances qui finissent toujours par être payées. Les fleuristes ne demandent point d’argent ; celui qui voudrait mettre à l’épreuve leur générosité se ferait régaler de bouquets jusqu’à sa mort et le sourire de la marchande serait aussi amical le dernier jour que le premier. Lorsqu’enfin vous voulez acquitter votre dette, vous donnez plus que les fleurs ne valaient, mais la délicatesse du procédé est d’un prix inestimable. La fleuriste vous a épargné la forme grossière du commerce et, comme si on lui offrait ce qu’on ne lui doit point, elle accepte votre gratification sans la regarder, en ajoutant une belle révérence au sourire de tous les jours. Un boisseau de magnolias, bien marchandé, peut s’obtenir, à Florence, pour vingt sous ; jamais cette acquisition avantageuse ne vous ferait autant de plaisir que le simple œillet qui vous tombe des nues, assaisonné par l’ait gracieux et sympathique de celle qui vous le présente.

Pour user du droit imprescriptible des voyageurs de décréter que les choses sont toujours telles qu’ils