Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/29

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Quant à la conversation, toute ruinée qu’elle paraît être au dix-neuvième siècle, elle offre beaucoup plus de ressources à Paris qu’à Naples où il est difficile de parler d’autre chose que de bagatelles. On cause souvent de la littérature française et voici ce qu’on en dit : La Tour de Nesle est un chef d’œuvre qui laisse bien loin derrière lui tous les ouvrages dramatiques présents et même passés ! M. Scribe, qui est assurément trop modeste pour se croire supérieur à Molière, est cependant plus amusant ; il écrit mieux et il entend bien autrement l’art de la scène que l’auteur du Tartuffe ! Un soir, dans un salon de Naples, un Français qui avait eu l’idée d’orner sa mémoire de fragments de mélodrames et de chansons grotesques, obtint un succès fou en récitant quelques tirades de la Tour de Nesle. Il entama ensuite la première scène du Misanthrope et termina la séance par une chansonnette de Levassor, accompagnée de récits. Ce dernier morceau fut regardé comme le plus joli des trois ; le Misanthrope était inconnu de la plupart des assistants et on se demanda ce que cela signifiait. Jamais je n’entendis tant de paroles imprudentes et je frémissais en pensant que ces erreurs, avec leurs dimensions colossales à cause de la distance, seraient peut-être les nôtres si Molière était un homme nouveau.