Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/309

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est un aimable cavalier ; le second serait un excellent mari. Sans lui dire non, il suffit de l’avertir que je suis accordée.. Si la permission que nous attendons est refusée, comme j’ai tout lieu de le craindre, je serai trop heureuse de recevoir les consolations du signor Andronic. On a des amoureux tant qu’on en veut, mais un mari, cela est rare et bien sotte est la fille qui lâche d’une main sans être sûre de tenir ferme de l’autre.

— Cristo ! s’écria le curé, quelle petite commère ! Voilà ce qui s’appelle entendre ses intérêts ! Si tu ne te maries point, ce ne sera pas faute d’esprit et de malice. Mon cher Andronic, puisque cette fillette en sait plus long que nous, rapportons nous-en à sa sagesse. Parlez à votre père et attendez paisiblement que don Matteo reçoive des nouvelles de son pays.

Au lieu de suivre ce conseil raisonnable, Andronic sortit furieux d’avoir été prévenu ; il trembla que son rival ne réussît le premier et, à force de se monter la tête, il conçut le projet de forcer Matteo à lui céder la place. De son côté, l’Arétin fut transport de colère en apprenant qu’Andronic voulait le supplanter. Il jura, devant témoins, qu’il saurait bien se débarrasser de son concurrent. Le bruit se répandit aussitôt dans la ville que ces deux ennemis se cherchaient et on s’attendit à une catastrophe. En effet, ils se rencontrèrent dans ce café même, à l’heure de l’Angelus. Matteo s’assit à cette place où je suis et Andronic se mit en face de lui, à cette table que vous voyez. Ils se regardèrent un moment sans parler et je vous assure que les assistants étaient pâles d’effroi.

Ici, le narrateur s’interrompit et fixa sur nous ses