Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/32

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et les Napolitains qu’il appelait des barbares ; mais il laissait partir les bateaux pour Constantinople et ne pouvait se résoudre à s’embarquer. Dans les galeries du musée, il bâillait à se démettre la mâchoire, ou bien il ne cherchait que les nudités qui prêtaient à ses grossières plaisanteries. Je ne pouvais rien admirer sans qu’il ne citât une chose semblable et supérieure existant à Turin, si bien que nous l’avions surnommé : Da noi (chez nous, tout est plus beau). Il éclatait de rire et haussait les épaules en voyant danser la tarentelle. Le dernier des lazzaroni était plus civilisé que lui ; mais ce qui le mettait en fureur, c’était la mauvaise foi des hôteliers et des domestiques. Au demeurant charmant garçon et qui a oublié de me rendre cinq piastres qu’il m’avait empruntées.

Comme, en résultat, la vie n’est pas chère à Naples et que le budget des dépenses d’un voyageur est plus léger en Italie que partout ailleurs, je m’amusais des supercheries napolitaines au lieu de m’en irriter avec le seigneur piémontais. Il faut seulement avoir grand soin de mettre ses clefs dans sa poche, sous peine de perdre la moitié de son bagage et de reconnaître ses chemises sur la poitrine des gens de la maison. J’entendais, un matin, le domestique qui me servait se lamenter auprès des femmes de chambre sur mon exactitude à fermer les tiroirs : « ce seigneur français, disait-il, ne laisse pas même traîner un mouchoir. On ne peut lui prendre que du tabac et des cigares. Depuis huit jours je n’ai encore attrapé que cette cosella » et il montrait un vieux foulard que j’avais abandonné à qui voudrait s’en emparer. Là-dessus, le Saint-Sacrement passa sur le quai,