Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/33

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précédé des sonnettes et recouvert du parasol ; mon homme se jeta sur le balcon à deux genoux et pria le plus dévotement du monde.

Malgré le juste reproche qu’il avait à me faire de garder trop exactement mes clefs, ce domestique me servait avec tant de zèle et d’empressement que j’étais touché de ses soins, au point de m’imaginer qu’il avait de l’affection pour moi. Un beau jour, il disparut. Le patron de l’auberge ne sut pas m’en donner de nouvelles. On ignorait ce qu’il était devenu et je ne songeais plus à lui lorsque je le vis, dans la rue, courant comme un chevreuil devant une voiture de louage. Il avait trouvé, à l’Hôtel de la Victoire, un vieux Turc qui le payait plus cher que moi et il m’avait, à l’instant même, supprimé de la surface du globe dans sa pensée. Il m’envoya pourtant un homme de mine patibulaire dont je refusai les services. Il y a, dans la domesticité, une foule d’échelons que nous ne savons pas apprécier. Le facchino en chef a d’autres facchini en sous ordre, qui sont eux-mêmes les patrons d’une troisième classe de facchini. Selon le grade, ils se donnent entre eux de la seigneurie et se parlent chapeau bas ; du reste ils se volent réciproquement leurs honoraires et bénéfices.

A en juger par la grossièreté de leurs ruses, on doit croire que les facchini de l’Italie entière regardent les étrangers comme des imbéciles pour qui tous les mensonges sont bons. C’est toujours le Polichinelle fertile et maladroit trompant le Pancrace, et réussissant parce que le Pancrace est crédule et stupide, mais recevant des coups de bâton des autres personnages de la comédie. Si vous faites porter une valise à un commissionnaire napolitain, il l’enlève