Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/346

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ou un Richard III de satin rose. En somme, Modena est un artiste distingué que le ciel a fait pour le ribombo sonore de la poésie italienne et non pas pour une poésie sobre et concise comme la nôtre. Chacun a ses qualités ; l’hyperbole sied à l’Italien et l’ellipse au Français.

M. V… devait retourner en Bourgogne par le Simplon et moi, je devais rentrer par le Saint-Gothard. Le lendemain de la représentation de Modena, je conduisis mon fidèle compagnon aux messageries de Genève. Après quatre mois passés dans une intimité fraternelle, nous étions fort émus en nous séparant ; mais, selon l’habitude des gens du Nord, nous ne faisions point de phrases. L’émotion, qui délie si bien les langues du Midi, nous fermait la bouche. Quand nous parlions, c’était de choses étrangères à tout ce que nous pensions ; mais nous ne laissions pas pour cela de nous entendre parfaitement.

— J’habite une jolie maison à Beaune, me dit M. V…

Après un moment de silence, il ajouta :

— Il y a une chambre d’ami où l’on voit les montagnes du Jura.

Au bout de cinq minutes, il reprit :

— Le vin de notre pays est bon, la campagne belle et on trouve encore le moyen d’y passer le temps agréablement.

— De peur d’être Italiens, lui dis-je, ne nous jetons pas dans le flegme Anglais. Expliquons-nous. M’invitez-vous à aller à Beaune ?

— Assurément, de tout mon cœur ; et, si j’hésite, c’est que je n’ose vous le proposer.

— Eh bien ! j’irai vous voir.

Et j’irai, en effet, si le bon Dieu le permet. Une fois