Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/35

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et des enfants… La vie est chère, signor. Avant de me marier, j’étais employé à l’église de Gesù Nuovo, lorsque…

— Est-ce que vous croyez que j’ai le temps d’écouter vos histoires ? Allez à tous les diables !

Vous le poussez dehors et vous fermez votre porte. C’est là qu’il en fallait venir tout de suite et que vous en seriez infailliblement venu plus tard, quand même vous auriez vidé votre bourse pièce à pièce dans les mains du facchino ; ou bien, si vous avez la patience d’écouter son histoire, vous causerez avec lui jusqu’à l’Angelus ; il vous accompagnera dans la ville, toujours racontant, et Dieu sait alors si vous pourrez jamais vous défaire de lui. L’e comique de caractère est pour moi une chose si divertissante que je n’ai pas eu le courage de ma fâcher contre les facchini ; mais c’est un goût que tout le monde n’a pas et j’ai vu des étrangers que ces petits manèges irritaient jusqu’à écumer de rage.

Un jour, sur le quai Sainte-Lucie, je payais le prix d’une commission au cours du tarif et, selon l’habitude, le facchino insistait pour avoir davantage. Un autre facchino se jeta aussitôt sur lui, le battit à grands coups de poings en lui reprochant sa cupidité. Il fallait, disait-il, se contenter du prix fixé par l’usage et le règlement. Ceux qui demandaient plus étaient des importuns qui ennuyaient les excellences et gâtaient le métier. Séduit par le bon sens et le zèle de cet homme je lui donne la préférence sur ses confrères et j’envoie par lui une carte de visite que j’allais porter moi-même. Il part en courant et revient au bout de cinq minutes. Je tire aussitôt le carlin voulu par le tarif et je le lui présente.