Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/34

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comme une plume, court devant vous à grands pas et monte d’un bond l’escalier ; et puis, au moment de déposer son fardeau, il commence un autre jeu : comme si le poids devenait tout à coup énorme, le facchino marche péniblement, les genoux pliés, le dos voûté, la bouche ouverte, la poitrine haletante et, tandis que vous fouillez à la poche, il s’essuie le front avec sa manche en soufflant de tous ses poumons comme un homme accablé. Averti, par ces symptômes, des prétentions de votre facchino, vous lui donnez plus que le tarif pour éviter une discussion. Il reste devant vous, le bras étendu, vous montrant la pièce de monnaie avec l’air d’une stupéfaction profonde.

— Quoi ! dit-il, votre seigneurie ne me donne que cela ?

Je suppose que vous soyez très généreux et que vous ajoutiez un carlin ou deux, ne vous imaginez pas être débarrassé de l’importun. Le dialogue est inévitable. Votre homme vous remercie, puis il recule de trois pas et attend que votre seigneurie le regarde.

— Eh bien ! lui dites-vous, que faites-vous là ? n’êtes-vous pas payé ?

— Signor, vous répond-il la distance était grande. La valise pesait beaucoup. Il fait chaud. Deux grani de plus pour boire une limonade. Le pauvret que vous voyez se meurt de soif.

Vous accordez les deux grani de supplément. Le facchino recule de trois autres pas et s’installe contre la porte, le bonnet à la main, attendant un nouveau regard de votre seigneurie.

— Comment ! vous voilà encore !

— Eh ! signor, la misère, le ménage, une femme