Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/37

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— Impossible ! me répond-il ; voilà un précipice devant la maison.

Il me montre un égout en réparation à vingt pas de distance.

— Comment, coquin ! lui dis-je, te moques-tu de moi ?

— Eh ! signor, je ne demanderais pas mieux que d’entrer dans la cour, mais nous tomberions dans l’abîme. Je tuerais mes pauvres chevaux, je briserais ma calèche, Votre Excellence se casserait un bras et moi, je périrais à l’hôpital des suites de mes blessures.

— Allons, tu as raison, dis-je en descendant de la voiture ; tu y perdras seulement un-demi carlin que je t’aurais donné pour récompense.

— Oh ! restez, signor ; montez, je vais essayer de passer.

J’étais déjà dans la cour de l’hôtel. Le cocher s’élance sur le siège, fouette ses chevaux et me suit au galop. Tandis que je monte l’escalier, il me réclame à grands cris son demi-carlin. Du second étage je l’entends demander un pourboire, ce que je voudrai, una bottiglia. En fermant la porte de ma chambre, j’entends encore : Signor, un grano ! Polichinelle n’est ni plus menteur, ni plus impudent.

Dans le midi de la France où les aubergistes, les domestiques de place et les cochers sont aussi trompeurs qu’en Italie, on n’a pas le même plaisir à être dupé. Le portefaix d’Avignon, dont l’insolence et la méchanceté sont proverbiales dans le pays même, vous accable d’injures et vous assommerait volontiers si vous avez quelque discussion avec lui. Le chichois de Marseille, qui est au gamin de Paris ce que la cour d’assises est à la police correctionnelle, vous noierait pour trente sous. Au contraire le facchino