Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/38

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vous sert avec un dévouement poussé jusqu’au fanatisme. Il est fier de vous conduire ; il met de la passion dans l’esprit de domesticité et il s’anoblit lui-même par les titres pompeux dont il décore celui dont il se fait l’humble serviteur. Je ne suis resté que douze heures à Arles et j’y ai été trompé neuf fois sans me reposer.

Vous entrez dans un bureau de messageries de certaines villes du midi de la France. On vous offre un siège avec empressement, on chasse le chien qui ne bougeait pas, on bat les enfants qui ne disaient rien.

— Monsieur, vous dit-on, a bien raison de prendre notre voiture ; elle est bonne ! elle va si vite ! Quelle place désire Monsieur ?

— Une place de coupé.

— Que Monsieur sera bien dans le coupé !

— Mais au moins elle est suspendue, votre voiture ?

— Sainte Vierge, si elle est suspendue ! comme un carrosse de maître, comme une berline de poste.

La voiture arrive, c’est une patache. Il n’y a point de coupé ; on vous place dans un cabriolet ouvert, un cuir malpropre étalé devant vous et le conducteur assis sur vos jambes. Vous réclamez, vous vous fâchez ; on vous répond insolemment, on parle patois et on part. Cependant on a encore un petit service à vous demander, c’est de ne point dire le prix des places aux Anglais de l’intérieur car on leur a fait payer le double de ce que payent les autres et on espère que vous fermerez les yeux sur cette vilaine supercherie. Vous enragez et votre indignation éclate, tandis qu’à Naples vous ne feriez que rire.