Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/52

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front un peu bas, la voix forte, les cheveux longs et épais, dans un désordre tel que le peigne n’y pourra jamais pénétrer. L’usage extérieur de l’eau est inconnu. Craignez cette petite Napolitaine rétive et volontaire, dangereuse pour celui qu’elle aime et impitoyable pour l’amant dédaigné. Il faut être Napolitain pour venir à bout de la dompter ou pour garder son repos en s’éloignant d’elle et vous la retrouverez ailleurs que dans les rues du vieux Naples. Ce n’est pas là que la rencontre est périlleuse. Le lazzarone, qui lui prend le menton en passant et qui l’agace en se moquant d’elle, sait la manière de se faire aimer; cependant il est quelquefois victime de lui-même. Il y avait, jadis à Naples, un juge d’instruction qui ne manquait jamais, en arrivant sur le théâtre d’un crime ou d’un malheur, d’adresser aux témoins cette question : « Où est la femme ? — Quelle femme ? lui répondait-on. — La femme qui est cause de l’événement ». Et toujours on lui désignait celle qui avait causé la catastrophe. Ce juge-là en savait long.

Les empereurs et les grands seigneurs romains, en choisissant le pays de Naples pour y établir leurs lieux de délices, ont transmis aux gens qui leur ont succédé un vague besoin d’ornement et de luxe. Des galetas sont emplis par les fresques ; les charrettes sont peintes, les mulets couverts d’oripeaux, de plumes et de grelots. Un vieux harnais raccommodé avec des ficelles étale encore un reste de galons et de clous en cuivre. Les bureaux de loterie sont éclairés comme des chapelles ardentes et la Madone, entourée de cierges, placée au fond de l’établissement, abaisse ses regards mélancoliques sur les