Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/51

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de son caleçon ! Des bretelles étalées à côté d’un poisson, des légumes avec des bonnets de laine, des souliers et de la viande. La cuisine volante fume auprès du ruisseau. L’odeur de la friture aiguise l’appétit. Gamache est devenu lazzarone et on célèbre ses noces. C’est un pêle-mêle incroyable de victuailles, de friperie, de chaussures, de fromages et d’oranges.

Pour le bruit et l’agitation, le vieux Naples surpasse de beaucoup le reste de la ville. Le marchand qui s’adresse aux baïocs de l’homme du peuple se remue plus que celui qui vie aux piastres des cuisiniers et des intendants. Le rôtisseur suspend ses pièces de viande à une longue perche dont il entrave la circulation pour mieux vous les faire voir ; il vous les mettrait dans les yeux s’il pouvait. Au milieu de cette fourmilière, les habitants des mansardes, pour s’épargner la peine de descendre dans la rue, font leurs emplettes par la fenêtre en laissant glisser, du quatrième étage, un panier attaché au bout d’une corde. Vous pouvez deviner quels cris sont nécessaires, à cette distance, pour le choix du morceau et le débat du prix, par-dessus le vacarme de la rue. Des réunions de femmes, assises en cercle, procèdent à leur toilette, en plein air comme dans un boudoir. Elles se coiffent réciproquement, s’habillent et lacent leurs corsets. Celles-ci sont les plus soigneuses car il y en a d’autres qui vivent dans un abandon sauvage. On aperçoit, parmi ces figures peu séduisantes, quelques brunettes de quinze ans dont la beauté surmonte encore le triste milieu où elle se débat. Le type de la jeune-fille du peuple est de moyenne taille, robuste, basané, l’œil bien enchâssé, le regard en dessous, le